La loi n°2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises a étendu le champ d’application des procédures du livre VI du Code de commerce aux professionnels libéraux exerçant sous le forme individuelle (C. com., art. L 611-5 et art. L 620-2) et a institué l’intervention de l’ordre professionnel ou de l’autorité compétente dont relèvent, l cas échéant, ces professionnels à de nombreuse étapes des procédures. Détails.
Afin de permettre cette intervention, la requête aux fins d’ouverture d’une procédure collective (sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire) faite pas un débiteur qui exerce une de ces professions doit préciser l’ordre professionnel dont il relève.
L’Ordre des experts-comptables (représenté par ses Conseils régionaux) est donc appelé à intervenir chaque fois qu’un expert-comptable ou un cabinet fait l’objet d’une telle procédure.
Son intervention se fait de la manière suivante :
- lors de la procédure de conciliation ;
- la décision ouvrant la procédure lui est communiquée (C. com., art. L 611-6).
Il est entendu ou appelé par le tribunal avant que ce dernier ne statue sur l’homologation d’un accord (C. ; com., art. L 611-9).
Lors des procédures de sauvegarde, de redressement et le liquidation judiciaires
L’Ordre doit avoir été convoqué à l’audience au cours de laquelle il est débattu de l’ouverture de la procédure (C. com. art. L 621-1). Il peut saisir le ministère public afin qu’il demande au tribunal le remplacement de l’administrateur judiciaire, de l’expert désigné lors du jugement d’ouverture, du mandataire judiciaire ou du liquidateur.
Il peut également saisir ce dernier d’une demande d’adjonction d’un ou de plusieurs administrateurs, mandataires judiciaires ou liquidateurs à ceux déjà nommés.
Il peut enfin, lorsque la liquidation est prononcée dans le cours d’une période d’observation, le saisir afin que le liquidateur ne soit pas le mandataire judiciaire déjà désigné.
Le ministère public est toutefois libre de ne pas donner suite à cette demande (C. com. art. L 621-7, L 641-1).
L’Ordre est d’office contrôleur (mais n’a pas les même prérogatives que les créanciers désignés à cette fonction – C. com. art. L 621-10).
L’inventaire des biens du débiteur ne peut être dressé hors de la présence d’un représentant de l’Ordre.
Lors des procédures de liquidation judiciaire
Lorsque le débiteur est soumis à une liquidation judiciaire, il est dessaisi de l’administration de ses biens, en application de l’article 641-9 du Code du commerce. Le tribunal doit désigner, dès l’ouverture de la procédure, le représentant de l’Ordre pour exercer les actes de la profession. Ce sont les Conseils régionaux en la personne de leur président (lequel peut déléguer cette mission).
Le juge commissaire fixe la rémunération de cette personne (D n°2005-1677 du 28 décembre 2005, art. 247).
L’Ordre doit donner son accord au liquidateur sur la destination des archives du débiteur soumis au secret professionnel (C. com. L 642-23). L’obligation de respecter le secret professionnel demeurant, l’Ordre doit veiller à cette préservation.
Dans le cadre de la liquidation, les règles concernant le courrier remis directement au liquidateur ne s’appliquent pas lorsque le professionnel est soumis au secret professionnel.
L’Ordre, qui dispose ainsi d’une information constante au cours de la procédure, peut prendre les mesures nécessaires au regard de l’inscription au tableau de ses membres. Il peut notamment procéder à la radiation des sociétés éteintes et à la suspension des experts-comptables entrepreneurs individuels inscrits en qualité d’indépendants qui ne peuvent exercer aucune activité autre que salariée pendant la procédure judiciaire.
L’intervention d’une ordre professionnel ne concerne pas la procédure d’appel
C’est ce qui résulte de l’arrêt rendu le 6 juillet 2010 par la Cour de cassation (chambre commerciale – n°09-67.345). Dans cette affaire, un médecin radiologue, qui avait été mis en liquidation judiciaire, avait fait appel du jugement au motif que son ordre professionnel n’avait été ni auditionné ni dûment appelé lors du prononcé de la liquidation judiciaire, devant la cour d’appel saisie d’un recours contre le jugement prononçant la liquidation judiciaire.
La Cour de cassation a fait une application stricte des textes en la matière, refusant l’extension de l’action de l’ordre concerné dans les cas où les textes ne le prévoient pas expressément. Elle rappelle d’une part que les articles L 621-1 et L 641-1 du Code de commerce relatifs à la convocation et à l’audition de l’ordre professionnel ne s’appliquent qu’à l’ouverture de la liquidation et non pas à son prononcé. D’autre part, elle constate que les articles.
D’autre part, elle constate que les articles L 622-10 et L 631-15 du Code de commerce relatifs à la convocation et à l’audition de l’organisme professionnel désigné en qualité de contrôleur, préalablement au prononcé de la liquidation judiciaire, ne s’appliquent qu’à la procédure de première instance et ne concernent pas la procédure devant la cour d’appel.
En matière de procédure collective, la Cour de cassation refuse donc le raisonnement par analogie et fait une application stricto sensu des textes.
L’audition d’un ordre professionnel est obligatoire lors d’une extension de procédure collective
C’est le principe que vient de rappeler la Cour de cassation dans un arrêt du 5 novembre 2013 (Chambre Commerciale – n°12-21.799). Dans cette affaire, une société mixte ayant pour activités l’expertise comptable et le commissariat aux comptes avait été mise en redressement judiciaire le 21 avril 2009, puis en liquidation le 9 juin 2009.
Le 30 août 2010, le liquidateur demandait l’extension de la procédure de liquidation judiciaire de la société à une filiale de celle-ci, exerçant la même activité.
La cour d’appel de Toulouse, dans son arrêt du 2 mai 2012, avait déclaré régulière au motif que l’extension d’une procédure collective confusion de patrimoines ou fictivité de la personne morale n’obéissant pas aux conditions d’ouverture prévues par l’article L 621-1 du Code de commerce, le tribunal n’avait pas l’obligation de convoquer le président de l’Ordre des experts-comptables et le président de la Compagnie des commissaires aux comptes et de recueillir leurs observations, ceux-ci exerçant déjà les fonctions de contrôleurs dans la procédure collective ouverte contre la société mère;
La Cour de cassation a censuré les juges du fond, considérant qu’il résulte des articles L 621-1, alinéa 2, et L 621-2, alinéa 2, du Code de commerce que le tribunal ne peut se prononcer sur l’extension d’une procédure collective qu’après avoir entendu ou dûment appelé l’ordre professionnel ou l’autorité compétente dont, le cas échéant, relève le débiteur visé par cette extension.